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mardi 9 mai 2023

Parole de Politique, L.W.

 La maison familiale des Saint-Exupéry sera rachetée par la région pour abriter un musée qui est annoncé fidèle à l'esprit d'Antoine de Saint-Exupéry.

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Je ne suis vraiment pas fan des déclarations de nos hommes politiques. Cependant, cette lettre transmise par une amie m'a touchée, je vous la partage ici :


Ce qu’a à nous dire le Petit Prince :

Le 6 avril 1943, paraissait aux États-Unis la première édition du Petit Prince, dont on fête aujourd’hui les 80 ans. Le Petit Prince c’est, pour moi, comme Tintin : un personnage poétique, étonnamment proche, qui au-delà du héros de papier, semble nous parler, nous dire quelque chose de notre époque, de ce qu’il faut y faire, de notre sens.
Le Petit Prince, d’abord, c’est le Français le plus connu au monde, le deuxième livre le plus lu au monde après la Bible !
Nous avons tous quelque part dans notre enfance un rapport au Petit Prince. Pour moi, c’était un vieux livre cartonné, recouvert d’une couverture déchirée, qui sentait le grenier, et que Maman me lisait le soir, par petites brides, quand j’étais petit, dans la maison du Reboulet. Je n’y comprenais pas grand-chose à vrai dire mais, entre la voix de maman et les illustrations colorées, un univers de rêve onirique se dessinait pour moi et ce halo de mystère me suffisait. L’écharpe m’intriguait, le renard qui n’avait pas vraiment une tête de renard, la cloche sur la rose, et puis ces planètes toutes petites, tout était étrange. Ensuite, ce fut la voix de Gérard Philippe qui lisait le livre et que, pour éviter les lectures sans fin, on finissait par me mettre, une voix parfois un peu forcée, parfois triste, parfois enjouée mais tellement vivante.
Et tout ceci est resté dans un lieu secret de ma mémoire, cette part de l’enfance que l’on ne devrait jamais perdre et qui donne les vraies joies de l’existence, jusqu’à ce que je revienne vers Saint-Exupéry.
Saint-Exupéry est né à Lyon mais il a passé une part importante de son enfance à Saint-Maurice-de-Rémens, dans sa maison de famille qui donnait sur un grand parc. Saint-Exupéry y a été heureux, il y a joué des pièces de théâtre avec ses sœurs, il y récitait des vers dans la salle à manger, il se cachait dans le grenier où il inventait des histoires, il a fabriqué sa première machine volante, un vélo affublé de draps pour mieux s’envoler et qui finit au pied du mur, écrabouillé ! Pour lui, ce lieu, sur la plaine de l’Ain, où le ciel est omniprésent, a tellement compté. Il disait : « il était, quelque part, un parc chargé de sapins noirs et de tilleuls, et une vieille maison que j’aimais » ; « peu importait qu’elle fut éloignée ou proche, il suffisait qu’elle existât pour remplir ma nuit de sa présence. Je n’étais plus l’enfant échoué sur une grève, j’étais l’enfant de cette maison. »
Et pourtant, ce lieu magique tombait à l’abandon. Quand je l’ai appris, nous avons donc décidé de racheter le château avec la Région, de le réhabiliter en lien avec la famille et d’en faire un lieu où l’on puisse transmettre aux nouvelles générations cette parole unique du Petit Prince. C’est l’un des projets qui me motivent le plus et cela m’a donné l’occasion de replonger dans Saint-Exupéry et dans l’incroyable richesse de son œuvre.

Nous y voyons tous un conte de fées et c’est bien un conte de fées, mais c’est aussi une œuvre incroyablement plus puissante, qui nous parle avec une étonnante modernité.
Il faut d’abord revenir à la date de publication. Le Petit Prince paraît en 1943 en pleine Seconde Guerre mondiale. Saint-Exupéry, qui a compris avant les autres les dangers de l’extrême-droite nazie d’Hitler, a choisi de combattre, d’abord en France puis, après la défaite, depuis les États-Unis. Le Petit Prince ne sera d’ailleurs publié en France qu’en 1946, à titre posthume car, entre temps, Saint-Exupéry disparaît en mer avec son avion en 1944.
Tout le reste est connu : le mouton, le renard, la rose, l’astéroïde B612, les volcans qu’il faut ramoner, les baobabs qu’il faut arracher, et le coucher de soleil que l’on regarde le soir, et ce corps si lourd dont le Petit Prince demande au serpent de le débarrasser.
Car, en réalité, l’œuvre est beaucoup plus lourde, beaucoup plus tragique qu’il n’y parait. Elle est écrite dans ce cadre de la guerre et du nazisme. On peut voir dans ce businessman qui enferme les étoiles Hitler qui arrête les Juifs, les baobabs pourraient être les étoiles de la Shoah et le Petit Prince serait sans doute Pierre Sudreau, un des plus jeunes chefs du réseau de la résistance, enfermé à Buchenwald, ministre du général de Gaulle, pour qui Saint-Exupéry s’était pris d’amitié.
Mais, au-delà de l’histoire, le Petit Prince dit quelque chose de plus profond encore. Il vient chercher cette part de l’enfant pour nous amener à réenchanter malgré tout notre regard. Il faut revenir à ce que dit le livre : le désespoir terrible de l’aviateur perdu dans le désert avec sa machine qui refuse de redémarrer, la mort, le silence, l’abandon qui guettent. Et cette petite voix, cette figure du Petit Prince qui est un appel à l’espérance, qui lui dit : « il y a quelque chose », qui lui réapprend l’amitié, qui lui fait comprendre l’amour à travers une rose, qui lui dit de croire à la possibilité d’un espace entre Ciel et sable, qui le convie à un cheminement intérieur à travers des astres lointains.
Le Petit Prince qui nous invite à tout regarder différemment, à questionner le sens. Le Petit Prince qui nous dit « deviens homme », médite sur toi-même, sur tes échecs, tes démesures, tes folies, chute, apprends, interroge et trouve le sens.
Tout est dans ce message : devenez hommes, habitez le monde en étant les gardiens des valeurs spirituelles qui comptent le plus, et alors, alors seulement, quand tout à la fois vous aurez préservé votre héritage culturel et façonné un nouveau monde, alors, vous pourrez dire avec Saint-Exupéry « nous pourrons vivre et mourir en paix, car ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort. » Ou plus tendrement « alors soyez gentils, ne me laissez pas tellement triste, écrivez-moi vite qu’il est revenu. » Le Petit Prince, c’est ce réenchantement et cette espérance.
Si je veux que nous sauvions la maison de son enfance, c’est pour tout cela. C’est aussi parce que je trouve qu’au lieu de tout dénigrer dans notre histoire et notre littérature, cela a tellement plus de sens de donner des héros aux générations qui viennent, des figures tout à la fois joyeuses et fortes qui puissent servir de guides dans les moments de doutes. Je voudrais que, dans ce lieu, chacun puisse s’approprier demain cette dernière phrase de Saint-Exupéry « on est de son enfance comme on est d’un pays. » Oui, avoir tout à la fois des racines et des rêves, la meilleure façon de devenir homme.



Ce que nous livre Laurent Wauquiez est intéressant et ne limitez pas votre lecture au Petit Prince. Osez plonger dans Terre des Hommes, relisez Citadelle et si vous cherchez à vraiment comprendre cet Esprit brillant, offrez-vous les Ecrits de Guerre.

La question que je me pose après chaque lecture d'Antoine :
Avons-nous vraiment évolué ?
Celle que je nous pose alors :
Quelle Terre souhaitons-nous habiter et transmettre à nos Enfants ?

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