Et pour terminer, en beauté, ce samedi de partages, la pépite de la semaine :
Cette célèbre citation de Carl
Gustav Jung résonne particulièrement dans notre société contemporaine gouvernée
par la vitesse. Alors que nous sommes constamment sollicités par l’information
et les opinions d’autrui, prenons-nous vraiment le temps de réfléchir avant de
porter un jugement ?
Le jugement, un raccourci mental confortable
« Je pense donc je suis
» de Descartes devrait être notre devise, nos cerveaux préfèrent
souvent emprunter des chemins plus faciles. Juger est rapide, instinctif et
demande peu d’efforts cognitifs. C’est une solution de facilité face à la
complexité du monde qui nous entoure.
Pourquoi est-il plus simple de
critiquer ses proches, ses amis que de réfléchir aux causes profondes d’un
comportement ? Tout simplement parce que la réflexion exige un effort
intellectuel soutenu, une capacité d’analyse et une remise en question que notre
cerveau, économe par nature, cherche à éviter.
Juger : un réflexe humain, mais risqué
Il est naturel de porter un
jugement. Face à un comportement qui nous déplaît ou nous surprend, notre
esprit cherche des explications. Le problème n’est pas tant le jugement en soi,
mais sa rapidité, son manque de nuances, son absence de recul, surtout s’il est
basé sur des fausses informations ou des allégations mensongères dont
l’objectif est de nuire. Ces jugements deviennent alors des étiquettes injustes
et parfois blessantes.
Comme le dit si bien Paulo Coelho :
« Nous ne pouvons jamais juger la
vie d’autrui, car chacun sait sa propre douleur, son propre renoncement. C’est
une chose de penser que l’on est sur le bon chemin, une autre de croire que ce
chemin est le seul. »
Dans la famille : derrière l’incompréhension, une
douleur silencieuse
Prenons un exemple courant : une
sœur ou un frère qui s’isole des autres membres de famille. Certains penseront
: « Ils nous tournent le dos ». Pourtant, en prenant un moment pour explorer ce
qui, en nous, réagit ainsi — frustration, tristesse, sentiment d’abandon —, on
réalise que notre jugement nous protège d’un malaise plus profond.
Et si cette personne traversait une
période de fatigue extrême, une dépression silencieuse, ou avait simplement
besoin de se recentrer ? En ralentissant notre pensée, en posant une question
plutôt qu’un verdict, on ouvre un espace de compréhension.
Au travail : ce que le jugement cache souvent
Dans le milieu professionnel aussi,
les exemples abondent. Un collègue refuse systématiquement les réunions
tardives. Certains l’accuseront de manquer d’engagement. Mais que savons-nous
réellement ? Peut-être doit-il récupérer ses enfants à l’école, prendre soin
d’un proche ou tout simplement préserver son équilibre personnel. Derrière
chaque attitude se cache une histoire que nous ignorons.
Ralentir notre pensée ici, c’est
refuser la facilité. C’est accepter de ne pas tout savoir, de ne pas tout
comprendre sur le moment, mais de faire le choix du respect et de la
bienveillance.
Les racines psychologiques du jugement
Derrière cette tendance à juger se
cachent souvent des mécanismes de défense profondément ancrés :
§ La projection, tout d’abord. Ce mécanisme psychologique nous pousse à attribuer aux
autres nos propres failles et insécurités. Lorsque nous critiquons autrui, nous
projetons inconsciemment nos peurs et nos défauts, détournant ainsi notre
regard de nous-mêmes.
§ La peur d’être jugé constitue un autre moteur puissant. En s’attribuant l’autorité du
juge, l’individu cherche à se sentir intouchables. C’est une forme de
protection : si je juge les autres en premier, je me place en position de force
et réduis le risque d’être moi-même la cible de critiques.
§ Un sentiment d’infériorité alimente également cette tendance.
Paradoxalement, ceux qui jugent constamment les autres ne sont pas plus tendres
avec eux-mêmes. Leur critique extérieure reflète souvent une dévalorisation
intérieure, parfois héritée d’une enfance où ils ont été eux-mêmes jugés
sévèrement.
La pensée critique, un exercice exigeant
Contrairement au jugement hâtif, la
véritable pensée critique est une activité intellectuelle complexe. Elle est «
autorégulée, autocorrective et issue d’une activité métacognitive ». Elle
demande d’adopter une posture réflexive non seulement sur nos croyances, mais
également sur nos propres mécanismes cognitifs.
Cette capacité à réfléchir en
profondeur nous permet de corriger nos conceptions de façon régulière et de
dépasser nos biais cognitifs dans notre quête d’une compréhension plus
objective de la réalité. C’est un exercice difficile, mais infiniment plus enrichissant
que le simple jugement.
Les conséquences du jugement systématique
Juger sans réfléchir a des
répercussions importantes :
§ L’isolement relationnel : à force de « tirer sur tout ce qui bouge », on
finit par s’isoler. Les relations authentiques se construisent sur la
compréhension et l’empathie, non sur le jugement.
§ L’incompréhension d’autrui : « C’est difficile de comprendre les
autres. Parce qu’on juge les actes des autres à l’échelle de notre propre
niveau d’informations, de notre propre sens des valeurs, de nos propres
sentiments ». Cette citation de Ryû Murakami souligne parfaitement
comment le jugement nous empêche d’accéder à la réalité de l’autre.
§ L’appauvrissement intellectuel : en se contentant de juger, on se prive de la
richesse qu’offre la réflexion approfondie et nuancée.
Cultiver la réflexion plutôt que le jugement
Et si réfléchir n’était pas si
difficile après tout ? Et si nous manquions simplement « de connaissances et
des bons outils » ? Voici quelques pistes pour développer notre capacité de
réflexion :
§ Pratiquer l’empathie cognitive : essayer sincèrement de comprendre le point de vue
de l’autre, sans chercher immédiatement à le qualifier ou à le juger.
§ Cultiver le doute constructif : accepter l’incertitude et la complexité plutôt
que de chercher des réponses simples et définitives.
§ S’interroger sur nos jugements : lorsque nous nous surprenons à juger, prendre
un moment pour explorer ce qui, en nous, réagit ainsi.
Ralentir notre pensée : prendre le temps de la réflexion avant de
formuler une opinion.
Vers une société plus réfléchie
« Nous ne pouvons jamais juger la
vie d’autrui, car chacun sait sa propre douleur, son propre renoncement. C’est
une chose de penser que l’on est sur le bon chemin, une autre de croire que ce
chemin est le seul« , nous rappelle Paulo Coelho.
Dans un monde où les jugements
hâtifs prolifèrent, particulièrement sur les réseaux sociaux, cultiver notre
capacité à réfléchir devient un acte presque révolutionnaire. C’est aussi une
voie vers plus de tolérance et de compréhension mutuelle.
La prochaine fois que vous serez
tenté de juger rapidement une situation ou une personne, souvenez-vous de cette
citation de Jung. Prenez un instant pour réfléchir. C’est peut-être difficile,
mais c’est certainement plus enrichissant que le simple jugement.
Car finalement, comme le suggère
Shakespeare, « juger autrui, c’est se juger ». En
développant notre capacité à réfléchir plutôt qu’à juger, c’est aussi notre
relation à nous-mêmes que nous transformons.
Béchir Houman, Pépites